J’avais 20 ans, la première fois que je suis venu à Alquézar. C’était pour descendre le Rio Vero. Un moment que je n’oublierai jamais, un des grands chocs de ma vie au détour du virage quand le site nous saute aux yeux, sur la petite route (à l’époque) conduisant au village. En arrivant sur la petite place, les maisons aux murs ocres, dominées par la forteresse multicentenaire. Un "Alhambra" en miniature, dressé sur les flancs de la Sierra de Guara, un des instants qui a sans doute orienté toute ma vie en renforçant un peu plus mon amour pour ces terres d’Aragon.
Par Patrick Dufaur
À cette époque, la "mode" du canyoning n’était pas encore née, où elle balbutiait, et cette activité était réservée aux privilégiés, amateurs de montagne et de nature vivant sur le versant Nord de la chaîne, dont nous faisions partie. Aussi en ces temps Alquézar avait encore cette authenticité qui renforçait son charme, juste une petite épicerie, un seul bar, le caniveau au milieu de la rue, les chiens et les chats allongés sur les pierres chaudes des ruelles, les femmes palabrant assises sur une chaise au pas de la porte, etc, etc...
A présent, le village a changé, et certes si l’activité en grande période estivale me rebute un peu pour m’y rendre, je ne me permettrais pas de critiquer. L’essor du tourisme "vert", et ce n’est pas non plus la côte méditerranéenne a permis à la région de se développer et surtout de donner du travail aux gens, et même d’en faire revenir, évitant un exode de masse.
Les calcaires et le thym de la Sierra, avant de voir déambuler les "aventuriers" du XXIe siècle que nous pensons être, casqués et revêtus de combinaisons néoprènes ou montés sur des VTT, ont vu passer, il y a bien longtemps nos ancêtres chasseurs-cueilleurs, comme en attestent quelques "pierres dressées", et les peintures pariétales ornant nombreuses cavités alentour.
Plus tard la région fut "romanisée", surtout plus bas dans la plaine du Somontano, de nombreux vestiges existent encore sous la forme de restes de ponts, de voies de communication, de villas, et autres ouvrages hydrauliques. C’est parait-il eux aussi qui ont introduit la culture de la vigne donnant l’excellent vin Somontano.
Ensuite vient l’occupation Arabe. Ils divisèrent la région en "Marches" afin de faire face à la résistance chrétienne du Nord. Avec eux naquit le château dominant le village au nom si évocateur. Plus tard vers 1100, la ville tomba aux mains des troupes chrétiennes lors de la "Reconquista". Longtemps ce nid d’aigle dut sans doute être un point stratégique dominant les voies de communications de l’époque, entre autre exemple le pont roman de Villacantal enjambant le Vero et permettant de relier le village à Asque.
Dans un passé moins lointain on trouvera des traces d’activités agricoles et pastorales, terrasses de cultures, "Pozos de Nieve", abris pastoraux, et sur les flancs de ces montagnes des voies de transhumances et de communications partant droit vers le Nord en des temps où voyager ne rimait pas avec rapidité, témoins d’un passé riche et dense démographiquement avant la peste noire qui ravagea l’Aragon au moyen- age, puis bien plus tard la période de l’exode rurale voulu par Madrid à la fin de la guerre civile et sous le régime franquiste. Ici au Sud de la sierra de nombreuses boucles s’offrent à nos roues. Certaines dans la plaine du Somontano au milieu des vignes du vin du même nom. Ce sera sans doute les plus accessibles, elles se déroulent en général sur des pistes larges et sans pièges, seules peut-être quelques courtes sections de liaisons se feront sur des monotraces roulants. Ces itinéraires sont souvent balisés, et sont communs avec des boucles piétonnes, et équestres. Ce sont sur ce secteur des itinéraires bien souvent familiaux aux faibles dénivelés. On évoluera autour des village de Bierge, Adahuesca, Abiego, Huerta del Vero, etc, etc...
L’autre secteur, se situera en gros, au Nord d’une ligne horizontale passant sur les village de Radiquero, Alquezar, et Buera. Les traces seront ici beaucoup plus exigeantes, on trouvera des dénivelés plus conséquents, et la terre battue des itinéraires de la plaine aura cédé la place aux cailloux, nos pneus subiront ici le calcaire et le conglomérat. On pourra monter par exemple par une belle piste au dessus d’Alquezar au hameau de San-Pelegrin, de là on pourra rejoindre vers l’Ouest l’ermitage de la « Virgen de Vina » et redescendre sur Radiquero par de beaux monotraces et des drailles à moutons, ou bien du même hameau partir au Nord vers la « Meson de Sevill » bâtisse servant jadis d’étape à la transhumance et au commerce qui se faisait à pied, plus loin que les Pyrénées et jusqu’au cœur de l’Aquitaine. De cette ancienne auberge, on poussera jusqu’au « Tozal de Sevill », pour profiter pleinement du panorama sur le versant Sud des Pyrénées.On reviendra par un sentier dominant la piste empruntée à l’aller, ce sera une introduction aux boucles plus difficiles de la Sierra. Rochers, petites marches, trial « light » seront déjà au rendez- vous, j’y ai d’ailleurs laissé un dérailleur, prudence. On passera tout près d’un abri pastoral déjà occupé il y a fort longtemps comme en témoigne les peintures pariétales qui l’ornent. La récompense se fera par la « Balsas de Basacol » belle réserve d’eau, et une arrivée magique avec la traversée des ruelles d’Alquezar en vélo Une belle journée dans ces sierras aragonaises à faire absolument.
D’autres boucles plus exigeantes pourront nous conduire carrément au fond du canyon du « Rio Vero » jusqu’au « Pont de Villacantal » on remontera vers Asque et Colungo par des pistes secrètes. Le retour à Alquezar se fera par le GR1 et le « Pont de Fuenedebanos » depuis les villages précités. Aussi depuis Rodellar autre haut lieu du canyoning et de l’escalade sportive, au bout d’une petite route, des itinéraires partent jusqu’au fond du Mascun, et rejoignent même le canyon par des sentes aériennes sur des corniches où la chute n’est pas permise. Ces derniers itinéraires sont réservés aux experts.
Enfin plus au Nord de la Sierra vers le village de « Las Bellostas » on trouvera aussi notre bonheur. J’y étais venu, il y a une dizaine d’année, le mauvais temps, nous avait fait renoncer à notre projet. Pour compenser, avant de partir vers Ainsa faire une journée "tourisme" sous la pluie, nous avions erré dans les ruelles du village. La seule âme vivante ce jour là était un vieux monsieur qui bricolait dans son poulailler. Nous avions noué la conversation avec lui, et il nous avait confié son ressenti bien amer, en nous disant : " Heureusement, qu’il y a les français qui viennent nous voir en se promenant, autrement nous ne verrions plus personne". Dix ans plus tard pas grand chose n’a changé, à part une ou deux maisons en cour de rénovation, des héritiers des anciens, habitant la ville et rénovant un patrimoine légué. Plus au Sud, certes, Nazarre et Otin voient encore passer aux beaux jours les groupes d’amateurs de canyoning en direction des "Gorgas Negras" et du "Mascun Supérieur", mais ces brèves visites n’empêchent pas les murs de tomber. On trouvera au départ de Las Bellostas une belle boucle à faire absolument, sur un réseau de pistes et de sentiers très roulants, entretenus par les services forestiers aragonais et quelques usagers chasseurs, forestiers et agriculteurs. Peut-être comme nous vous aurez la chance de voir surgir devant vous un sanglier ou deux chevreuils en balade, ne manquez pas le rocher de l’éléphant dans la descente vers le Balcès, il reste statique lui.
Plus à l’Ouest, encore bien loin de l’attraction du versant Sud de la Sierra de Guara, avec l’offre liée aux activités de canyoning et autres plaisirs, au départ du village de Paules de Sarsa la boucle du « Dolmen de Las Belanzas ». Ici sur ces terres sauvages, peut-être que le mot "écologie" prend tout son sens, bien loin de nos salons où une poignée "d’ayatollahs" donneurs de leçons, voudraient justement en donner à tout le monde. Maintenant et avant, le mode de vie des habitants reflète d’une manière de vivre authentique. Il suffit pour s’en rendre compte d’imaginer le quotidien des anciens, il faut pour en être certain parcourir comme nous les sentiers qui servaient autrefois, et en fait il n’y a pas si longtemps que ça, de modes de communications et d’échanges entre les différents villages. Quand je dis pas si longtemps, c’est une réalité, j’ai fréquenté la Sierra dans mes jeunes années, et beaucoup de gens de mon âge, peuvent témoigner de ce fait. Un splendide réseau bordé de murets en pierre sur des dizaines de kilomètres. Ce patrimoine, véritable témoin d’une culture ancestrale, mériterait sans aucun doute d’être classé au patrimoine mondiale de l’Unesco, afin qu’il demeure, et soit préservé. Mais "chut !!!" n’en parlons pas trop pour éviter les foules. Une très belle boucle à faire absolument.
Maintenant au limite de la « Zona Zero » dans la montagne de l’Arbe au départ du village de Barcabo, une trace qui en suivant les crêtes passe au petit village abandonné de Frontignan pour rejoindre celui d’Olson celui là bien vivant. Nous reviendrons par un barranco en passant tout à coté des restes d’une forteresse médiévale perdue au milieu de nulle part, puis par le hameau d’Hospitaled pour rejoindre la route. Certes, la Sierra de Guara a aimanté le flot de touristes grâce à la mode des canyons, mais soyez sûrs qu’elle reste authentique. Alquezar a gardé son charme, et a su se restaurer habilement, Rodellar est resté discret, alors que dire des immensités sauvage des hauteurs... Alors, décidés ? Vous y allez ?
Pour y aller : Pour la zone Sud depuis Huesca, prendre la direction Barbastro, avant cette dernière remonter vers le Nord, en suivant le fléchage évident. Pour la zone Nord, depuis Ainsa se diriger vers les village indiqués. Pour des indications plus précises les approches sont indiquées sur VTOPO Premium.
Ou dormir : Comme partout, petits campings, souvent avec bungalows à louer, gîtes ruraux ( en Espagne : Casa rural) souvent à prix très modique, hôtel bien sur. Semaine sainte, semaine de l’Épiphanie, jour de la constitution, etc... beaucoup de monde entre autres, se renseigner aussi sur les fêtes particulières à l’Aragon, fêtes de la Vierge du Pilar etc... En ces périodes risque de surabondance, et de trouver souvent complet.
Ou manger : Partout, de petits restaurants à des prix très compétitifs, en général le menu est aussi proposé le soir. Des petits bars avec « tapas » à tous les coins de rue. Ne pas hésiter à entrer en contact avec les gens les espagnols adorent ça.
Hinterlassen Sie einen Kommentar